L’événement a frappé les esprits et pris tout le monde de court. Coup sur coup, Larissa Waters et Scott Ludlam ont démissionné mi-juillet de leur poste de sénateur en raison de leur double nationalité. Une mauvaise surprise pour les deux personnalités politiques qui n’imaginaient pas être toujours canadienne pour la première et néo-zélandais pour le second.
L’article 44 de la constitution australienne est pourtant très clair. Il interdit que se présente au suffrage universel quiconque « a prêté serment de fidélité ou d’allégeance ou d’adhésion à une puissance étrangère ou qui est citoyen ou sujet de cette puissance ou admis à la jouissance des droits ou privilèges de citoyen ou de sujet de cette puissance. » Le départ des élus était donc attendu comme une évidence.
Dans la foulée, de nombreux hommes politiques se sont empressés de rendre public les documents prouvant qu’ils ont renoncé à une deuxième nationalité. Tony Abbott, né à Londres et ancien premier ministre, a publié sur les réseaux sociaux une lettre des services d’immigration britanniques prouvant qu’il avait renoncé à être Anglais en 1993. Malcom Roberts, membre du parti nationaliste One Nation, est né en Inde. Lui aussi a expliqué s’être tourné vers les autorités de son pays de naissance pour confirmer qu’il est « uniquement citoyen australien ». Sam Dastyari, lui, a indiqué avoir payé 25 000 AU$ en frais juridiques pour se libérer de sa citoyenneté iranienne. Au total 19 des 25 sénateurs nés à l’étranger ont fait les vérifications.
De son côté, Richard Di Natale, patron des Greens d’où sont issus les deux sénateurs fautifs, a expliqué avoir renoncé à la citoyenneté italienne. Surtout, il a déclaré vouloir vérifier la situation de ses élus. « Nous aurions dû faire une triple vérification, cela n’a pas été le cas » a-t-il déploré. En tout état de cause, Waters et Ludlam pourraient avoir à rembourser le salaire qui leur a été versé lorsqu’ils étaient en poste. Une éventualité peu probable cependant – les ex-sénateurs Bob Day et Rod Culleton ayant vu leurs dettes effacées (pour le moment) alors même que l’un avait des ennuis financiers et l’autre des problèmes judiciaires. Richard Di Natale plaide naturellement pour ses ex-élus : « Ils ont déjà payé le prix fort avec tous les sacrifices faits au nom du service public. »
Le 21 juillet 2017, un sondage de Sky News/ReachTEL montrait que, pour 46,2% des Australiens, une double nationalité ne devrait pas empêcher de se présenter au suffrage universel. Pour autant, le changement n’est pas pour maintenant. Même si de très nombreux élus sont nés ou ont des parents nés à l’étranger, modifier la constitution de 1901 exigerait un référendum. Aujourd’hui, personne n’y songe.
Dernière minute ! Mardi soir, 25 juillet, coup de tonnerre : Matthew Canavan démissionnait à son tour de son poste de « Minister of Ressources and Nothern Australia ». Selon le communiqué officiel, il attend confirmation d’une éventuelle citoyenneté italienne, acquise lors de démarches effectuées en son nom par sa mère et sans son accord. Il affirme n’avoir rien su de cette situation avant la semaine dernière. Des recherches plus approfondies sont en cours. En attendant, il se met en simple retrait du sénat. |
L’avis de Natanel Bloch, expert en communication politique « J’ai trouvé ce chapitre politique très intéressant, surtout quand on le met en perspective avec ce qui se passe en France. Tout d’abord, ici, les politiques ont évité la crise en prenant immédiatement les devants. Ils n’ont pas attendu que les électeurs leur demandent des comptes. Les élus ont publié spontanément des documents attestant de leur situation. Ils ont étouffé la crise dans l’oeuf. En France, la déclaration de patrimoine, pourtant obligatoire, met du temps à être rendue publique et consultable par les citoyens Ensuite, du point de vue du candidat et de l’électeur, les différences sont notables. En France, on peut se présenter en ayant une double nationalité et voter à certaines élections sans même être Français (les citoyens européens vivant en France peuvent participer aux élections municipales et européennes par exemple). En Australie, comme nous l’avons vu avec les récentes démissions, il faut être Australien et uniquement Australien pour être candidat et devenir, en cas de victoire sénateur ou député. Les binationaux, eux, peuvent voter (pas les étrangers), sachant qu’ils n’ont en réalité pas le choix puisque le vote est obligatoire. Enfin, concernant l’assouplissement des règles et la perspective d’une modification de la constitution en Australie, je n’y crois pas. En effet, avec le durcissement des WHV ou des conditions d’attribution du 457, il semble que la citoyenneté australienne constitue une espèce de graal qui se mérite. Accepter la double-nationalité des candidats aux élections fédérales serait l’affaiblir. » |
Photo du haut : AAP Image/Mick Tsikas – Richard Di Natale devant, Larissa Waters et Scott Ludlam au deuxième plan.
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