« Je n’ai pas peur d’être progressiste. Je n’ai pas peur d’être républicaine. Je n’ai pas peur de vous, » a déclaré à la télévision française une candidate centriste à l’élection présidentielle, âgée de 39 ans, à son rival d’extrême-droite.
Mais il ne s’agit pas d’Emmanuel Macron, l’ex-banquier de 40 ans dont la progression rapide et la victoire finale à l’élection présidentielle de 2017 a secoué le milieu politique français. Il s’agit de l’alter ego de fiction de M.Macron, Amélie Dorendeu, dans la série à succès « Baron Noir ».
De nombreux politiciens et passionnés de politique s’émerveillent du réalisme de la série et de la façon dont elle éclaire la situation inédite de la politique française actuelle.
« Baron Noir », qui est disponible en Australie sur SBS on demand, dépeint le côté sombre de la vie politique française à travers le personnage de Philippe Rickwaert, un ex-maire de gauche et parlementaire soupçonné de corruption. Sans scrupule mais attachant, Rickwaert incarne le monde politique français traditionnel, reposant sur le clivage entre les grands partis politiques de droite et de gauche. Mais depuis la diffusion du premier épisode, ces certitudes se sont affaiblies devant les nouvelles forces politiques et au regard de la stratégie de M.Macron, qui rapproche des positions historiquement différentes.
« Nous n’avons pas vu Macron venir »
La première saison se concentrait sur la chute de Rickwaert et son désir de vengeance. Mais la seconde fait entrer les spectateurs à l’intérieur du Palais de l’Elysée avec l’élection d’Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis), une femme politique de centre gauche, alliée de Rickwaert, dont les idées politiques rappellent celles de M.Macron.
« Comme tout le monde, nous n’avons pas vu Macron venir, » explique Eric Benzekri, l’un des deux scénaristes de la série. « Ce que nous avions vu, c’est l’espace politique dont Macron disposait, et nous avons donné dans la série ce même espace à notre présidente, Amélie Dorendeu. »
Le personnage de Rickwaert est interprété par Kad Merad, à qui ce rôle a valu une nomination pour un Emmy Award International en 2017. Rickwaert est un faiseur de rois et le baron noir auquel fait référence le titre de la série, qui a les mêmes méthodes machiavéliques que Franck Underwood dans « House of Cards. »
Bien qu’isolé dans la deuxième saison, Rickwaert conserve son influence tout en essayant de s’adapter à la nouvelle donne politique. « La politique, c’est comme le jazz » dit-il à Dorendeu. « Quand tu fais une fausse note, tu dois la tenir, et alors ça devient une improvisation culte, que tout le monde essaiera de reproduire. »
Entre « A la maison blanche » et « House of Cards »
Les précédentes tentatives pour dépeindre avec réalisme la politique française à la télévision avaient échoué. « La télévision française est en retard pour montrer des personnages tourmentés, ambivalents en politique, » affirme Jean-Baptiste Delafon, l’un des scénaristes de « Baron Noir ». « Nous avions soit des hommes politiques pourris et méchants, soit de gentils politiciens avec de belles idées. »
D’après Marjolaine Boutet, professeure associée d’histoire contemporaine à l’université de Picardie Jules Verne, l’attrait de « Baron Noir » réside dans le fait que c’est un mélange bien équilibré entre la politique locale et nationale, « Ce n’est pas aussi idéaliste que « A la maison blanche » et pas aussi cynique que « House of Cards », explique-t-elle, c’est entre les deux. »
Bien que, dans l’histoire récente de la politique française, des ex-Premiers ministres et même les ex-présidents Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac aient été accusés de corruption, la dernière campagne présidentielle a pris un tour imprévisible, qui a conduit la fiction de « Baron Noir » à rivaliser avec la réalité.
En janvier de l’année dernière, le candidat de centre droit François Fillon a été accusé d’avoir détourné des centaines de milliers d’euros de fonds publics afin de rémunérer sa femme et ses enfants pour des emplois qui n’existaient pas vraiment. Une autre enquête journalistique a également révélé qu’il avait reçu en cadeau des costumes de luxe de la part d’un ami. M.Fillon, qui était favori au tout début de la campagne, a été éliminé au premier tour.
A la fin de la première saison de « Baron Noir », Philippe Rickwaert finit en prison et le président doit démissionner pour le même motif. « Cela montre que quoi que vous essayiez de cacher, il y a des conséquences, car notre démocratie est un état de droit, » explique M.Benzekri à propos des trajectoires que M.Delafon et lui ont données aux personnages.
Bien que la corruption ait été l’un des principaux thèmes de la première saison, les scénaristes ont décidé de l’éviter dans la dernière saison. « Quoi que nous ayons pu imaginer, ça n’aurait jamais été aussi fou que l’histoire des costumes de M.Fillon », se justifie M.Benzekri.
Une femme pour chef d’état
Avec une femme comme président, la série fait preuve d’imagination. La France n’a jamais été dirigée par une femme. « Amélie Dorendeu est une femme, mais elle est avant tout la présidente, alors on la traite comme telle, et non comme une femme présidente, » explique M.Benzekri, ajoutant qu’en ne considérant pas le genre comme un élément clé, M.Delafon et lui avaient fait le pari du « post-sexisme. »
Anna Mouglalis joue une chef d’état austère et digne, entourée de conseillers masculins souvent grossiers. Pour autant, dans un monde politique très machiste, Mme Mouglalis affirme que le fait qu’une femme dirige la France, même si ce n’est qu’à la télévision, est une victoire. « A partir du moment où les choses existent dans la fiction, ajoute-t-elle, « la société est mieux préparée à les accepter dans la réalité. »
Glossaire :
attachant (adj.) : endearing
clivage (n.m.) : split
détourner (v.) : to embezzle
donne (n.f.) : deal
état de droit (exp.n.) : rule of law
faiseur de rois (axp.n.) : kingmaker
genre (n.m.) : gender
incarner (v.) : to embody
interprété par (adj.) : played by ; interpréter : to play
machiste (adj) : showing male chauvinism
pari (n.m.) : bet ; faire le pari de (v .) : to bet on
pourri (adj.) : rotten , pourrir : to rot
rémunérer (v.) : to pay s.one
résider dans (v. + prop.) : to lie in
s’affaiblir (v.) : to weaken
s’émerveiller de (v.) : to marvel at
soupçonné de (adj.) : suspected of
tour (n.m.) : twist
On TV, France’s New President Is Young, Centrist and Female
“I am not afraid of being a progressive. I am not afraid of being a republican. I am not afraid of you,” a 39-year-old centrist presidential candidate told a far-right rival on French television recently.
But it wasn’t Emmanuel Macron, the former banker, now 40, whose rapid rise and eventual victory in the 2017 election shook the French political world. It was Mr. Macron’s fictional alter ego, Amélie Dorendeu, in the hit series “Baron Noir.”
Many politicians and politics junkies marvel at its realism and the way it sheds light on the unexpected current state of French politics.
“Baron Noir,” which is available in Australia on SBS on demand, depicts the shadier side of France’s political life through the character of Philippe Rickwaert, a left-wing former mayor and member of Parliament dogged by allegations of corruption. An unscrupulous yet endearing leader, Rickwaert embodies the traditional world of French politics, based on mainstream parties of left and right. But since the show first aired, these certainties have been wilting in the face of new political forces and Mr. Macron’s strategy of bridging old distinctions.
« We didn’t see Macron coming »
The first season was centered around Rickwaert’s fall and desire for revenge. But the second brings viewers inside the Élysée Palace with the election of Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis), a center-left politician and ally of Rickwaert, whose political ideas are reminiscent of Mr. Macron’s.
“Like everybody else, we didn’t see Macron coming,” said Eric Benzekri, one of the show’s two screenwriters. “What we saw is the political space which Macron had, and we gave our president, Amélie Dorendeu, the same space in the series.”
Rickwaert is played by Kad Merad, who was nominated for an International Emmy Award in 2017 for the role. Rickwaert is a kingmaker and the dark baron of the show’s title, with the same Machiavellian methods as Frank Underwood in “House of Cards.”
Although isolated in the second season, Rickwaert remains influential as he tries to adapt to the new political deal. “Politics is like jazz,” he tells Dorendeu. “When you hit a wrong note, you have to persist with it, and then it becomes a cult improvisation, which everyone will try to hit.”
Between « West Wing and « House of Cards »
Previous attempts to depict French politics realistically on TV fell short. “We have been late on French television in representing tormented, ambivalent characters in politics,” said Jean-Baptiste Delafon, one of “Baron Noir’s” screenwriters. “We either had filthy, nasty villains, or nice politicians with beautiful ideas.”
The appeal of “Baron Noir” lies in its well-balanced mix of local and national politics, according to Marjolaine Boutet, an associate professor of contemporary history at the University of Picardie Jules Verne, “It’s not as idealistic as ‘The West Wing,’ and it’s not as cynical as ‘House of Cards,’ ” she said. “It’s right in the middle.”
Although France’s recent political history has featured corruption allegations against former prime ministers and even against the former presidents Nicolas Sarkozy and Jacques Chirac, the most recent presidential campaign brought an unpredictable twist, leading the fiction of “Baron Noir” to compete with real events.
In January last year, the center-right candidate François Fillon was accused of embezzling hundreds of thousands of euros of public funds to pay his wife and his children for jobs that did not really exist. Another news report revealed that he had received expensive suits from a friend. Mr. Fillon, who had been seen as a favorite in the early stages of the campaign, lost in the first round of the election.
In “Baron Noir,” Philippe Rickwaert ends up in prison at the end of the first season, and the president has to resign because of the same scandal. “It shows that whatever you try to hide, there are consequences, because we live in a democracy that has rule of law,” Mr. Benzekri said about the path he and Mr. Delafon gave the characters.
Although corruption was one of the main themes of “Baron Noir’s” first season, the screenwriters chose to avoid it in the latest one. “Whatever we would have imagined, it would have never been as crazy as Fillon and his suits,” Mr. Benzekri said.
A woman for head of state
The show has demonstrated some imagination by making the president a woman. France has never had a female head of state. “Amélie Dorendeu is a woman, but she is first and foremost the president, so we treated her as a president, and not as a female president,” said Mr. Benzekri, adding that by not treating gender as a key factor, he and Mr. Delafon were betting on “post-sexism.”
Ms. Mouglalis plays an austere, dignified president surrounded by often crude male advisers. Yet, in a political world filled with male chauvinism, Ms. Mouglalis said that having a woman run France, even if only on television, remained a victory. “As soon as things exist in fiction,” Ms. Mouglalis added, “society is more ready to accept them in reality.”
Source : www.nytimes.com
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