La France a fait ses adieux à la rock star Johnny Hallyday lors d’une énorme cérémonie rendant hommage à cette idole culturelle comparable à un Elvis Presley français.
Mais si vous demandiez à des personnes ne faisant pas partie de la francophonie qui était Johnny Hallyday, la plupart vous répondraient d’un regard vide. Alors pourquoi la mort de ce chanteur a-t-elle suscité une telle émotion en France ?
Pourquoi la France adorait-elle sa musique ?
L’homme que tout le monde appelait Johnny a importé le style du rock’n roll américain dans la France d’après-guerre, en sortant son premier album en 1960 — il en a ensuite vendu 110 millions.
Il s’est positionné en traducteur culturel des Etats-Unis, en copiant la banane et les pantalons de cuir d’Elvis Presley, tout en hurlant des reprises françaises de titres tels que « House of the Rising Sun » (en français : « Les Portes du Pénitencier »).
Plus d’un quart de ses chansons sont des reprises de titres en anglais.
Il a évolué avec son temps — passant au fil des ans du rock au rock progressif puis au blues — et était presque une caricature de rock star, y compris les problèmes de drogue et une vie amoureuse mouvementée.
Ce sont peut-être les baby-boomers, qui ont grandi avec lui, qui l’aimaient le plus, et ses balades puissantes étaient parfois tournées en ridicule pour leur caractère démodé.
Malgré le fait que l’idole était depuis longtemps devenue une figure grand-paternelle, même les jeunes sont encore capables de chanter ses plus grands tubes.
Est-ce uniquement une histoire de chansons ?
Non. Pour beaucoup de ceux qui pleurent sa mort, c’est surtout une question de symbole.
Tout comme Elvis et les Beatles, Johnny s’est fait connaître dans les années soixante comme un symbole de la révolte de la jeunesse dans une société qui sortait de la guerre et qui apprenait à se détendre. Et il est resté si longtemps dans le paysage — à la fois sur scène et sur les couvertures des magazines people, du fait de ses quatre mariages, dont deux avec la même femme — que pour beaucoup sa mort a été ressentie comme la fin d’une époque.
Pour d’autres, Johnny a marqué leur vie à différents moments, depuis l’écoute de ses chansons lorsqu’ils étaient enfants, dans la voiture de leurs parents sur la route des vacances, jusqu’au fait d’assister à l’un de ses concerts lorsqu’ils étaient adultes. Sa marque de fabrique était ses performances stupéfiantes sur scène — en plus de 50 tournées, il a joué devant un total de plus de 28 millions de personnes — son jeu de hanches était inévitablement accompagné de flammes, de panaches de fumées, ou alors il arrivait sur scène en se laissant descendre par un treuil depuis un hélicoptère survolant le stade. Il était si connu en France que Jimi Hendrix a un jour fait sa première partie. Son dernier grand concert gratuit au pied de la tour Eiffel, le 14 juillet 2009, a rassemblé un public de 800 000 à un million de personnes.
« Si la qualité de son travail est discutable, sa capacité à saisir les contradictions de la société française est évidente », a écrit le sociologue Jean-Luc Fabiani dans Le Monde. « Ses chansons disent la vulnérabilité et l’indécision, les mauvais coups du sort, et la capacité de résilience ».
Etait-il universellement aimé ?
Il serait exagéré de dire que toute la nation est en deuil — sa mort indiffère notamment beaucoup de jeunes fans de musique.
Johnny a aussi déclenché une crise politique en 2006 lorsqu’il a décidé de s’exiler en Suisse pour des raisons fiscales.
Et il était souvent considéré comme un rocker idiot, bien qu’il se dise moins bête que ce que les gens croyaient — il était capable de jouer des rôles brûlants et très applaudis et a même tourné une fois pour Jean-Luc Godard.
Comment la France a-t-elle réagi à sa mort ?
Les programmes TV ont immédiatement fait place aux émissions d’hommage, dès que sa mort à l’âge de 74 ans a été rendue publique, et ses chansons ont envahi les stades avant les matches du week-end.
Des milliers de motards ont accompagné son cercueil lors de sa descente des Champs-Elysées — Johnny a toujours été un biker et adorait sa Harley — et le Président Macron a pris la parole devant l’église.
Dans la presse, on a pu lire de nombreux articles au sujet de ses qualités de figure culturelle rassembleuse, Macron déclarant lui-même « Nous avons tous quelque chose en nous de Johnny Hallyday » (en référence à l’une de ses chansons : « Quelque chose de Tennessee », ndlt).
Pourquoi est-il si peu connu hors de France ?
C’est un peu un mystère. Le culte dont il faisait l’objet n’était pas différent de celui de stars comme Edith Piaf ou Serge Gainsbourg, qui sont bien plus connus que lui à l’étranger.
Certains ont suggéré que c’est parce qu’il avait trop cherché à essayer de copier les stars américaines au lieu de se contenter « d’être français ». « Il y avait quelque chose de comique dans sa détermination à copier — et certains diraient massacrer — toutes les modes de la musique populaire anglo-saxonne » a écrit John Lichfield dans le Guardian.
Johnny Hallyday rêvait d’avoir du succès aux Etats-Unis et a enregistré son troisième album en anglais. Il a déménagé toute sa famille à Los Angeles en 2010 — disant qu’il aimait vivre incognito — et a toujours gardé le sourire au sujet de son échec à percer aux Etats-Unis. « Ma carrière internationale ? Ça arrivera si ça doit arriver » avait-il déclaré un jour. « Mais je ne veux pas spécialement avoir de succès ailleurs. C’est mieux d’être un roi dans son propre pays qu’un prince ailleurs ».
Pour découvrir ou réécouter quelques-uns de ses tubes,
suivez les liens suivants :
Souvenirs souvenirs (son premier tube)
Gabrielle (montage sur plusieurs concerts à plusieurs périodes)
Oh ma jolie Sarah (avec son fils à la batterie), sous-titré
Allumer le feu (live au Stade de France)
Glossaire :
adieu (n.m.) : farewell
album (n.m.) : recording
banane (n.f.) : 1-banana ; 2- quiff
coup du sort (exp.n.m.) : stroke of bad luck
démodé (adj.) : outdated
être en deuil (exp.v.) : to grieve
fiscal (adj.) : relative to tax
hommage (n.m.) : tribute
idole (n.f.) : icon
jeu de hanches (exp.n.m) : hip-swinging
marque de fabrique (exp.n.f.) : trademark
mouvementé (adj.) : tumultuous
panache (n.m.) : plume
première partie (exp.n.f.) : support act
reprise (n.f.) : adaptation
titre (n.m.) 1-title ; 2-song
tourner en ridicule (exp.v.) : to mock
treuil (n.m.) : winch
tube (n.m.) : 1-pipe ; 2-hit (song)
Why do the French love Johnny Hallyday?
France bid farewell to rock star Johnny Hallyday, in a huge ceremony for a cultural icon akin to a French Elvis Presley.
But if you asked people outside the French-speaking world who Hallyday was, most would greet you with a blank stare. So why the singer’s death has sparked such an emotional outpouring in France.
Why did France love his music?
The man who everyone called Johnny brought American-style rock ‘n’ roll to conservative post-war France, releasing his first record in 1960 and going on to sell 110 million. He acted as a French-American cultural translator, copying Presley’s quiff and leather trousers while belting out French versions of songs like « House of the Rising Sun ». More than a quarter of all his recordings were adaptations of English-language songs.
He also moved with the times — veering over the years from rock to prog and blues — and was almost a caricature of a rock star, complete with the drug problems and tumultuous love life.
Hallyday may be best loved by the baby-boomers who came of age with him, and his power ballads were sometimes mocked as outdated.
But even though he had long since gone from being a heartthrob to a grandfatherly figure, even the young can still sing along to his biggest hits.
Is it just about the songs?
No. For many of those mourning, it’s more about what he symbolised.
Like Elvis and the Beatles, Hallyday shot to fame in the 1960s as a symbol of youthful rebellion in a society that was shaking off the war and learning to loosen up. And he was simply around for so long — both on the stage and on the front covers of gossip magazines, having wed four women, one of them twice — that for many it feels like the end of an era.
For others, Johnny provided markers in their lives from listening to his songs as children in the car on family holidays or attending his concerts as adults. Hallyday’s trademark was astonishing stage-shows – in over 50 tours he played to more than 28 million people — where his hip-swinging stunts inevitably involved bursts of flames, plumes of smoke or arriving on stage after being winched down from a helicopter high above the stadium. So famous was he in France that Jimi Hendrix once played as his support act. His last great free concert, on Bastille Day 2009, at the foot of the Eiffel Tower, drew a live audience of between 800,000 and 1 million people.
« If the artistic quality of his work remains a matter of debate, his ability to capture the contradictions of French society is obvious, » sociologist Jean-Luc Fabiani wrote in Le Monde. « His songs capture vulnerability and indecision, strokes of bad luck, and a capacity for resilience. »
Is he really universally beloved?
It would be an exaggeration to say the entire nation is in mourning — many young music fans in particular met his passing with indifference.
Hallyday also unleashed a political storm in 2006 for his decision to move into tax exile in Switzerland.
Hallyday was often mocked as an air-headed rocker yet he protested that he was smarter than people thought — he was capable of delivering searing and acclaimed film performances, and once acted for the auteur-director Jean-Luc Godard.
How has France reacted to his death?
TV schedules were hastily cleared for tribute shows as news of his death at 74 broke, and his songs are set to blare out before this weekend’s football matches.
Hundreds of motorcyclists accompanied his coffin on its way down the Champs Elysees — Johnny was a life-long biker who adored his Harley — and President Emmanuel Macron spoke in front of the church.
In the press, there has been a flood of pieces about his qualities as a unifying cultural figure, with Macron himself declaring: « There is something of Johnny in all of us. »
Why is he so unknown outside France?
This is something of a puzzle. His cult status was not dissimilar to that of stars like Edith Piaf or Serge Gainsbourg who are much better known abroad.
Some have suggested it’s because he was so insistent on trying to copy American stars rather than sticking to « being French ». « There was something comical about his determination to copy –- and some would say murder –- every passing fashion in Anglo-Saxon popular music, » John Lichfield wrote in the Guardian.
Hallyday longed to make it big in the US and recorded his third album in English. He moved his family to Los Angeles in 2010 — saying he loved going incognito — and remained cheerful about his failure to crack America. « My international career? It’ll happen if it happens, » Hallyday once said. « But I don’t especially want to succeed elsewhere. It’s better to be king in one’s own country than a prince elsewhere. »
Source: AFP
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