La bataille des Dardanelles, qui oppose à partir du printemps 1915 les troupes britanniques et françaises à celles de l’Empire ottoman, s’est soldée par un cuisant revers pour les Alliés, qui échouent à prendre le contrôle du détroit après neuf mois de combats.
Gallipoli. L’essentiel des affrontements ont lieu sur cette presqu’île de 80 km de long où les armées australienne, néo-zélandaise et britannique, mais aussi la future armée turque, écrivent les premières pages de leur histoire.
Six mois après le début de la Première Guerre mondiale, le front occidental est figé de la mer du Nord à la frontière suisse. Pour débloquer la situation, l’état-major britannique décide d’en ouvrir un second en s’emparant des Dardanelles. Contrôler le détroit ouvrirait la route d’Istanbul, la capitale ottomane, et une voie maritime pour ravitailler la Russie.
D’abord réticent, le général Joffre se rallie au projet âprement défendu par Winston Churchill, alors Premier lord de l’Amirauté britannique, mais la participation française restera limitée.
Une opération navale doit permettre de détruire les défenses turques et d’ouvrir la voie à une offensive terrestre. Mais l’opération est mal préparée: pas assez d’hommes, pas assez de matériel engagés. Le 18 mars, une grande offensive navale anglo-française échoue à briser les défenses turques.
Les alliés décident de passer à l’offensive terrestre. Le 25 avril, l’assaut est lancé sur cinq plages de Gallipoli.
Pour les contingents australien et néo-zélandais –l’Australian and New Zealand army corps, le fameux « Anzac »– c’est le baptême du feu. Mais rien ne se passe comme prévu. Ces hommes, pour la plupart très jeunes, débarquent au pied de falaises sous le feu de l’artillerie ottomane.
– Résistance ottomane –
L’offensive alliée n’a permis d’établir que quelques têtes de pont en territoire ennemi. Comme sur le front occidental, les combattants s’enterrent dans des tranchées et toutes les tentatives pour briser l’étau ottoman échouent dans les mois qui suivent.
Les alliés ont grossièrement sous-estimé la capacité de résistance des Ottomans. Et le colonel turc Mustapha Kemal, le futur Atatürk, inflige de lourdes pertes à l’Anzac.
A la fureur des combats s’ajoutent la chaleur, les mouches attirées par les cadavres, le manque d’eau, la dysenterie et la typhoïde qui déciment les deux camps. A l’approche de l’hiver, les orages et glissements de terrain détruisent les tranchées et font de nouvelles victimes. Les alliés décident alors d’évacuer leurs troupes. L’opération débute mi-décembre et s’achève le 8 janvier.
Selon les estimations, la bataille fait plus d’une centaine de milliers de morts. L’historien australien Les Carlyon en dénombre environ 56.000 pour chacun des deux camps. Côté turc, Ankara retient 86.692 morts parmi les Ottomans et 44.000 dans le camp d’en face. Mais les pertes sont très supérieures si l’on y intègre les victimes de maladies.
Avec quelque 12.000 morts dans leurs rangs, la bataille a marqué profondément l’Australie et la Nouvelle-Zélande, alors très peu peuplées, qui ont perdu certains jours jusqu’à 90% de leurs effectifs engagés.
Pour la Turquie, la victoire acquise au prix de pertes considérables marque l’émergence de Mustafa Kemal, qui deviendra le premier président de la République turque en 1923.
Sur le plan tactique, les Ottomans postés sur les hauteurs ont gardé l’avantage sur les alliés confinés sur les plages, et les progrès de l’artillerie ont été plus favorables aux défenseurs qu’aux attaquants. Après Gallipoli, les stratèges considèreront que les débarquements de troupes n’ont aucune chance face aux défenses modernes. Un dogme jusqu’au débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944.
AFP
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