Bobigny (AFP) – Pas des « colibris » mais des « voyous »: deux à quatre mois de prison avec sursis ont été requis mercredi contre cinq salariés d’Air France jugés à Bobigny pour leur implication dans l’épisode de la « chemise arrachée » du DRH.
« Ce n’était pas une opération syndicale mais une opération de casseurs, puis de voyous », a déclaré le procureur Philippe Bourion, reprenant à son compte les termes employés par le Premier ministre Manuel Valls au lendemain de ces incidents.
Le parquet a aussi requis 1.000 euros d’amende contre les dix autres prévenus, poursuivis pour des « dégradations » lors de la manifestation du 5 octobre 2015 devant le siège d’Air France à Roissy.
Pris à partie ce jour-là, Xavier Broseta, DRH d’Air France à l’époque, et Pierre Plissonnier, le responsable du long-courrier, avaient dû fuir sous les huées, torse nu pour le premier, la chemise en lambeaux pour le second.
Les images « humiliantes » des deux cadres dirigeants escaladant un grillage pour échapper à leurs poursuivants avaient fait le tour du monde et terni un peu plus la réputation de la France en matière de dialogue social.
Le procureur a assuré avoir pris en compte le « contexte » de ces incidents dans ses réquisitions et appelé le tribunal à faire de même dans son jugement, qui sera mis en délibéré. »Personne n’a à l’esprit que lorsqu’on annonce 2.900 licenciements, il y aurait une obligation d’amener des fleurs », a-t-il dit.
Comme l’ont rappelé les responsables de la CGT Air France mardi à l’audience, ces incidents faisaient suite en effet à l’annonce d’un plan de restructuration menaçant 2.900 emplois, dans une entreprise déjà éprouvée par les plans sociaux à répétition (« 10.000 suppressions d’emploi en dix ans »).Pour la première fois, les syndicats redoutaient des licenciements secs, en particulier au sein du personnel au sol à qui « beaucoup d’efforts avaient déjà été demandés », et dont les prévenus sont issus.
– ‘Libellules’ et ‘danseuses’ –
Mettant les incidents sur le compte d’un « effet de meute », le procureur a ironisé sur les dénégations des prévenus, pourtant identifiés par l’enquête de police sur la base des innombrables images versées dans la procédure.
« Tous vous font des descriptions d’eux-mêmes avec des délicatesses de libellules, des entrechats de danseuses.Je ne crois pas à cette réunion de colibris délicats », a dit M. Bourion, qui a scandalisé la défense en qualifiant d' »hyperprotéinés » ces prévenus à la forte carrure.
Avocate de 12 des prévenus, Lilia Mhissen a dénoncé une fois de plus la « déloyauté de l’enquête », « un dossier bâclé » où domine la volonté de trouver des « boucs-émissaires ».
Elle a invité le tribunal à prendre de la hauteur avec les images médiatiques. »Ce qu’écrivent les médias, ce n’est pas toujours la vérité judiciaire.Vous ne pouvez pas condamner sur la base d’une photo sensationnelle », a-t-elle dit.
La défense, qui a fait citer Air France et deux sociétés de vigiles dans une audience séparée qui se tiendra le 9 décembre, a redit sa conviction que la compagnie s’était rendue coupable du délit d’immixtion dans un conflit social, notamment en verrouillant la grille d’accès au siège.
Un acte perçu comme une « provocation » par les salariés qui avaient pénétré de force dans le siège en criant « on est chez nous, ici ».
Dans la matinée, les avocats des parties civiles s’étaient relayés pour dénoncer la stratégie de la défense consistant à ériger les victimes en coupables.Une stratégie qualifiée par Me Fanny Colin de « classique mais vulgaire ».
Ils avaient aussi critiqué la tentation des prévenus et de leurs soutiens, notamment au sein de la CGT, de justifier le recours à la violence physique « lorsqu’elle répond à une violence sociale ou à une situation de désespoir ».
Source: AFP
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