Le président de la République réfléchit déjà à des changements politiques et sociétaux profonds.
C’est une crise qui a totalement transformé Emmanuel Macron. Autant les « gilets jaunes » avaient fait mûrir le président de la République, autant l’épidémie de Covid-19 a opéré en lui une mutation radicale, venant questionner ses certitudes les plus intimes. Lui qui se définissait comme social-libéral, n’a plus à la bouche que les mots d’État et de souveraineté. Le plan de relance massif de plus de 100 milliards d’euros concocté par le gouvernement relève ainsi d’un keynésianisme que l’on croyait à ranger parmi les vieilleries économiques du XXe siècle.
Lui qui fut élu par les gagnants de la mondialisation voit désormais moult vertus au « localisme », et au rapprochement entre les lieux de production et de consommation. Bien sûr, l’hôte de l’Élysée conserve quelques convictions bien ancrées : l’Union européenne, avant tout, qui demeure à ses yeux un horizon indépassable, même si les nombreuses divisions qu’a connues l’UE ces derniers mois ont contribué à classer désormais Emmanuel Macron, en la matière, davantage dans la case des « réalistes » européens, que dans celle des « idéalistes ».
C’est « l’effet de réel » de cette épidémie foudroyante qui a métamorphosé le président. Ainsi, faute de produire des masques en suffisamment grande quantité, la France a-t-elle été contrainte d’en importer en urgence plusieurs centaines de millions de Chine, en empruntant au passage des avions russes. De quoi faire réfléchir, sur la dépendance vis-à-vis de l’empire du Milieu, mais aussi vis-à-vis de ce découpage en petits morceaux des chaînes de production, qui fait qu’en cas de crise, un pays peut se retrouver dépourvu de matériel sanitaire aussi essentiel que des masques ou des médicaments.
Une nouvelle donne politique
Macron a aussi réfléchi sur la situation politique du pays. Son ambition initiale de récupérer au sein de LREM l’ensemble des électeurs raisonnables – ceux qui ne sont ni d’extrême gauche, ni d’extrême droite – après avoir semblé fonctionner en 2017, a par la suite tourné à vide, du fait de l’accumulation des mécontentements. Le climat de « guerre » – selon ses propres termes – lié au développement de l’épidémie, lui a fait comprendre que le temps des « partis », selon l’expression du général de Gaulle, était peut-être révolu. Le lundi de Pâques, il en a ainsi appelé à la « concorde nationale » afin de préparer déjà l’après-épidémie. Certains évoquent même un gouvernement largement renouvelé, avec en son sein des ténors issus du Parti socialiste et des Républicains. Le nom de Manuel Valls, par exemple, est régulièrement cité. « Ce pourrait être habile de faire un grand gouvernement d’union nationale, pour montrer que, face à une situation historique inédite, la France est plus importante que les différentes positions partisanes », analyse un politologue.
Déconfinement
Emmanuel Macron veut cependant se montrer patient. Faire les choses à leur rythme, par étapes. D’abord, le déconfinement, prévu le 11 mai, qui s’annonce d’ores et déjà complexe. Des problématiques juridiques liés à des formes de ségrégation – peut-on retarder le déconfinement des personnes âgées, de celles présentant des pathologies… ? – occupe toute son attention, afin d’éviter de répéter le sentiment d’impréparation qui s’est dégagé de la gestion de l’épidémie, à ses débuts. Mais le chef de l’État, malgré tout, se projette déjà en partie dans le « monde d’après ». « J’échange énormément et je réfléchis avec beaucoup d’humilité à la suite, a-t-il déclaré dans une interview récente au Point. Il y aura des émergences et des continuités. L’enjeu des prochains mois sera d’établir des certitudes et des actions. »
Parmi ces certitudes : celle qu’a Macron qu’après la « grande vague » épidémique, rien ne pourra plus être comme avant. Les Français sortiront de près de deux mois de confinement transformés – psychologiquement, socialement, presque culturellement. La dépression économique qui s’avance va sans doute laisser aussi des marques durables. Toute la difficulté pour Macron est là : être à la fois le président de l’urgence, et celui qui incarnera les souhaits de cette nouvelle France en gestation. Une chose est sûre : l’hôte de l’Élysée y pense déjà.
Source : La Libre Belgique
Véritable vecteur de l’actualité belge, internationale, politique, économique, culturelle, La Libre Belgique offre un regard différent sur l’actualité et propose de nombreux dossiers spéciaux, des analyses, reportages, opinions…
[give_form id= »139667″ show_title= »false » show_goal= »false » show_content= »above » display_style= »reveal »]
Discussion à ce sujet post