C’est à quelques kilomètres de Villers-Bretonneux, le village qui a lancé une cagnotte pour venir en aide aux Australiens pendant les incendies, que se dresse fièrement le Centre Sir John Monash. Ouvert au public en 2018, dans une région particulièrement meurtrie lors de la Première guerre mondiale, la Somme, ce lieu n’est pas un musée de mémoire comme les autres : innovant, il permet aux visiteurs de découvrir l’expérience des Australiens pendant le conflit, en totale immersion. Nous avons rencontré sa directrice, Caroline Bartlett, tombée amoureuse de l’Histoire franco-australienne.
Une Histoire dont elle est, quelque part, aussi un peu le symbole. Caroline est en effet née en Australie d’une mère australienne et d’un père franco-britannique. Après avoir passé toute son enfance près des lagons turquoises de Nouvelle-Calédonie, elle a effectué deux masters en relations internationales, l’un à Melbourne, l’autre à Canberra. Spécialisée dans la construction, elle intègre le Ministère de la Défense australien pendant presque quatre ans, après avoir mis en place des projets pour Thinc ou Molonglo Group. Son expertise dans la construction et les relations internationales lui vaut d’être sollicitée pour la mise en oeuvre du Centre Sir John Monash à Fouilloy, en France, dont elle deviendra la directrice en 2018. Une expérience couplée du rôle de conseillère au département des Anciens combattants australiens. « Je suis heureuse de retrouver la France qui me rappelle mon enfance mais aussi de contribuer au devoir de mémoire. Mes deux rôles sont différents mais complémentaires : en tant que directrice du Centre, je dois m’assurer que le lieu est toujours opérationnel, mettre en place des partenariats, développer des ateliers mais aussi organiser ANZAC Day sous les directives de Canberra. Mon rôle de conseillère est plus diplomatique. »
Un centre innovant où l’on se sent comme en Australie
Pour Caroline, il est crucial de continuer à faire vivre le souvenir des soldats australiens, mais aussi des femmes, des civils qui ont vécu la guerre. « L’Australie est un très jeune pays, cette première expérience de la guerre en tant que nation a été particulièrement traumatisante. » Afin de contribuer à la transmission de la mémoire, l’équipe du Centre a mis en place des moyens innovants : dans la galerie immersive, d’énormes écrans projettent des vidéos – tantôt des images d’archives ou des créations de films modernes – où les Australiens parlent à la première personne pour aider le visiteur à s’identifier à leurs expériences. « Nous voulons rendre la mémoire plus vivante : nous utilisons des journaux intimes, des interviews pour mettre en vie les mots« , explique Caroline. Mais ce n’est pas tout : une application mobile a aussi été mise en place, permettant au visiteur de sélectionner les informations qui l’intéressent en fonction de l’endroit où il se trouve dans le musée…une façon d’être complètement acteur de sa visite ! Si le Centre Sir John Monash offre entre 6 à 7 heures de contenu, une visite moyenne dure entre 2 et 2 heures 30. Au delà des innovations, c’est la construction même du bâtiment qui propulse ceux qui le visitent sur l’île-continent. « Les Australiens nous disent souvent qu’ils ont l’impression d’être en Australie lorsqu’ils mettent les pieds ici. Et ce n’est pas dû au hasard ! L’architecture est très australienne : le bois est similaire à celui que l’on retrouve au Parlement australien; quant aux plafonds, ils rappellent la Galerie Nationale de Canberra« , s’amuse la directrice. Des éléments auxquels s’ajoute la forte majorité de visiteurs australiens : 55% des groupes seraient australiens, contre 35% de groupes français.
Des réactions touchantes
Si le Centre veut valoriser le passé, il n’oublie pas de se tourner vers l’avenir. Transmettre la mémoire aux jeunes, véritables gardiens de l’avenir, est essentiel pour Caroline. « Nous recevons beaucoup de groupes scolaires d’Australie, de France, d’Angleterre mais aussi de Suisse, et nous organisons des ateliers du primaire au lycée. Nous avons eu de très bons retours. Certains des professeurs nous ont même dit que c’était le premier musée dans lequel ils avaient du mal à faire partir les enfants ! ». Chaque fois qu’elle fait une pause, la directrice se rend dans les salles du musée; assise, elle observe les visiteurs qui, chacun, manifestent une émotion différente, de la colère au silence révèrent. Elle se souvient, elle aussi avec émotion, de ce monsieur de 95 ans qui avait servi pour John Monash – il avait pris les écouteurs et s’était immergé dans le Centre. Une autre fois, une femme française en pleurs lui était tombée dans les bras en la remerciant. Citant Malraux, Caroline conclut en souriant, « la plus belle sépulture, c’est la mémoire des hommes« .
Crédit photos :
Photo de couverture : fournie par Caroline Bartlett
Photo du Centre Sir John Monash : Page Facebook du centre
Centre Sir John Monash – Route de Villers Bretonneux, 80800 Fouilloy, France – Entrée gratuite – Site Internet ICI
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