Imaginez que vous soyez placé en garde à vue pour être interrogé au sujet d’un crime que vous n’avez pas commis, dans une langue que vous ne pouvez ni lire ni écrire — et que vous soyez ensuite inculpé de meurtre.
Cela ressemble au cauchemar d’un voyageur dans un pays du Tiers Monde.
Pourtant c’est ce qui est arrivé en Australie à Gene Gibson, un jeune homme timide de la toute petite communauté Kiwirrkurra du désert de Gibson. En 2014, M.Gibson, âgé de 25 ans, a été condamné à 7 ans et demi de prison pour homicide involontaire sur Josh Warneke. La victime, âgée de 21 ans, avait été retrouvée sur le bord d’une route après sa sortie d’une boîte de nuit en février 2010.
La première langue de M.Gibson est le Pintupi, sa deuxième langue le Kukutja. Il a une compréhension limitée de l’anglais et présente un handicap cognitif.
Sa condamnation a été annulée plus tôt cette année dans une décision unanime de la Cour d’Appel. Bien qu’il ait plaidé coupable pour homicide involontaire sur M.Warneke, M.Gibson s’est défendu en disant qu’il n’avait à l’époque pas compris la procédure ni les instructions qui lui avaient été données au moment de son plaidoyer. Durant son témoignage devant la Cour d’Appel, cette fois avec l’aide d’un interprète, il a expliqué qu’il n’avait pas tué M.Warneke et dit que la police n’avait pas écouté son histoire.
Un étranger dans votre propre pays
M.Gibson, comme de nombreux Aborigènes d’Australie dont la première langue n’est pas l’anglais, est en quelque sorte un étranger dans son propre système judiciaire.
Wayne Martin, le chef de la Justice d’Australie Occidentale, trouve cela préoccupant. Début juillet, lors d’une conférence réunissant des avocats pénalistes à Bali, il a affirmé que la langue était un « inconvénient majeur » pour les Aborigènes dans le système judiciaire du fait que les services d’interprétariat d’Australie Occidentale n’étaient pas accessibles à tous ceux qui en avaient besoin.
« Si nous ne disposons pas de services d’interprétariat dotés des ressources nécessaires et efficaces pour les Aborigènes, ils continueront à ne pas bien s’en sortir dans le système judiciaire pénal », avait-il écrit l’année dernière dans une note à une commission d’enquête du Sénat.
Il y a environ 45 langues aborigènes différentes dans le Kimberley, et la plupart d’entre elles sont considérées comme en voie de disparition. Moins de 600 personnes parlent le Pintupi, d’après la base de données Australian Indigenous Languages.
Non seulement vous faut-il trouver un interprète qui parle Pintupi, mais il faut aussi que celui-ci soit formé aux procédures policières et judiciaires et les communique au prévenu.
C’est un problème majeur, d’après Faith Baisden, la coordinatrice de First Languages, qui aide les communautés aborigènes à conserver leur langue.
« C’est particulièrement vrai pour ces petites communautés dont nous parlons, dans lesquelles il est difficile de trouver quelqu’un qui a les compétences et la confiance nécessaires pour se former. Cela demande vraiment une formation spécifique », précise-t-elle.
Une autre difficulté à laquelle doit faire face le seul centre d’interprétariat des langues aborigènes en Australie Occidentale est celle du financement. Le Kimberley Interpreting Service (KIS) dépend entièrement des fonds fédéraux depuis que les subventions du gouvernement d’Australie Occidentale ont été supprimées ces dernières années.
Mais sa directrice, Dee Lightfoot, espère pouvoir obtenir des financements du nouveau gouvernement d’Australie Occidentale lors du vote du budget en septembre.
Selon elle, « tout le monde a le droit d’avoir un interprète tout au long de la procédure, que ce soit avec la police, avec les avocats, ou avec le tribunal et cela ne vaut pas seulement pour l’accusé mais aussi pour les témoins. »
Glossaire
avocat pénaliste (n.adj.m) : criminal lawyer
base de données (exp.f.) : database
cauchemar (n.m.) : nightmare
condamnation (n.f.) : conviction
homicide involintaire (exp.m.) : manslaughter
garde à vue (exp.f.) : custody
plaidoyer (n.m.) : plea
prévenu (n.m.) : defendant
(bien ou mal) s’en sortir (exp.v.) : to fare (well or badly)
subvention (n.f..) : funding
témoin (n.m.) : witness
Imagine if you were taken into custody to be questioned over a crime you did not commit in a language you could not even read and write in — and were then charged with murder.
It sounds like a third world travel nightmare.
But this actually happened in Australia to Gene Gibson, a shy young man from the tiny Gibson Desert community of Kiwirrkurra. Mr Gibson, 25, was sentenced in 2014 to seven-and-a-half years in jail for the manslaughter of Josh Warneke. The victim was found dead on the side of a road after leaving a nightclub in February 2010.
Mr Gibson’s first language is Pintupi, with Kukutja his second. He has a limited understanding of English and suffers from cognitive impairment.
Mr Gibson’s conviction was quashed earlier this year in a unanimous decision by the Court of Appeal. Although he pleaded guilty to the manslaughter of Mr Warneke, M.Gibson argued he did not understand the court process or the instructions given to him when he entered his plea. Testifying at the appeal, he told the court this time via an interpreter that he did not kill Mr Warneke and said police had not listened to his story.
Stranger in your own land
Mr Gibson, like many Indigenous Australians who do not speak English as a first language, is somewhat like a foreigner in his own justice system.
It is something which concerns WA’s chief justice Wayne Martin.
Earlier this month, he told a conference of criminal lawyers in Bali that language was causing « significant disadvantage » for Indigenous people in the justice system, with WA’s translation services not reaching everyone who needed them.
« If we do not have properly resourced and effective interpreter services for Aboriginal people, then they will continue to fare badly in the criminal justice system, » he wrote in a submission to a Senate committee inquiry last year.
There are about 45 Indigenous languages in the Kimberley, many of them considered highly endangered. Fewer than 600 people speak Pintupi, according to the Australian Indigenous Languages Database.
So not only do you have to find an interpreter who speaks Pintupi, but you also need someone who is trained to understand police and court proceedings, and relay them to a defendant.
It is a massive problem, according to Faith Baisden, the coordinator of First Languages, which helps Indigenous communities maintain their languages.
« Particularly in those small community groups we’re talking about, we’re not necessarily going to find someone who’s got the skill and the confidence to be trained. It takes really specialised training, » she said.
Another problem is that WA’s only Indigenous language interpreting service is struggling for funding.
The Kimberley Interpreting Service (KIS) is dependent on federal money after being stripped of funding by the WA Government in recent years.
But its chief executive Dee Lightfoot hopes to secure money from the new WA Government in September’s budget.
« People are entitled to interpreters the whole way through their trail of justice, with police, with lawyers, with court, and that’s not only for the accused it is also for witnesses. »
Source : www.abc.net.au
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